Actualités  |  Mercredi 30 avril 2014

Salaire minimum, dégât maximum

L'enfer est pavé de bonnes intentions. Le salaire minimum légal est une de ces intentions trompeuses. Car il ne suffit pas de brandir une mesure au nom de la justice sociale pour qu'elle atteigne son but.

Le salaire minimum légal existe depuis 1950 en France. On a donc suffisamment de recul pour constater ses effets chez notre grand voisin.

Premier effet. Le salaire minimum légal ne réduit pas la pauvreté, il l'accentue. Parce que le salaire minimum légal a pour effet de réduire l'embauche, d'accroître le nombre d'emplois temporaires ou à temps partiel, de freiner la compétitivité du pays et, pour finir, d'augmenter le nombre de chômeurs.       

Deuxième effet. Le salaire minimum légal ne réduit pas les écarts salariaux. En France, l'écart entre le dixième des salariés les moins rémunérés et le dixième des salariés les mieux payés est l'un des plus élevés de l'Union européenne.

Ces deux constats figurent noir sur blanc dans le rapport du Conseil français d'analyse économique publié en juillet 2008, après 58 ans de pratique du salaire minimum légal. Mais la France n'est pas la seule frappée.

Les sept pays européens qui ne connaissent pas, à ce jour, le salaire minimum obligatoire ont un taux de chômage moyen inférieur à celui des autres pays de l'Union européenne (7.9% contre 11.8%). Pour les moins de 25 ans, la différence du taux de chômage est encore plus forte entre ces deux catégories de pays.    

Dans ce contexte édifiant, l'initiative populaire soumise à la votation le 18 mai prochain voudrait que "le salaire minimal légal se monte à 22 francs par heure". Soit environ 18 euros. Ce serait pratiquement le double du salaire minimum français, fixé à 9 euros 53 aujourd'hui. En Allemagne, il sera introduit à 8 euros 50 euros en janvier 2015. En Grande-Bretagne, il est de 7 euros 30.

Le salaire minimum prévu par l'initiative réduirait inévitablement la compétitivité de la Suisse. D'autant plus qu'il serait imposé sans différenciation à toutes les branches et à toutes les régions, de façon uniforme, alors que tout le monde sait bien que le coût de la vie n'est pas le même partout, à Genève, dans le Jura, à St-Gall ou à Uri.

Dans les branches où c'est possible, certains emplois qui exigent peu de qualifications seraient délocalisés ou remplacés par une robotisation des métiers, phénomène que l'on peut observer de plus en plus souvent. Dans les autres branches, cela conduirait à une précarisation de l'emploi et rendrait l'accès au marché du travail plus difficile pour les jeunes et les moins qualifiés.

C'est encore pour un autre motif qu'Employés Suisse rejette l'initiative. Pour ce syndicat qui regroupe plus de 23'000 travailleurs appartenant à la classe moyenne, le salaire minimum tirerait vers le bas les salaires légèrement supérieurs à 4'000 francs. Ce montant risquerait de devenir le standard d'entrée sur le marché du travail.

C'est clair, c'est non.

Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud

Article publié dans Tribune du 30 avril 2014