Actualités  |  Jeudi 31 janvier 2008

Les leçons d'un prêche sur la lapidation et ses conséquences

Il y en a qui ont trouvé mieux que la loterie pour gagner de l'argent à ne rien faire. Il suffit de publier un prêche, par exemple dans Le Monde, en faveur de la lapidation. Vous écrivez noir sur blanc que la lapidation pour adultère, c'est-à-dire la mort par jets de pierre, correspond à «l'extrême gravité de la faute». Pour bien vous faire comprendre, vous ajoutez que la lapidation pour sanctionner «le plaisir illégitime», c'est la même chose que la main coupée pour punir le vol. En conclusion, vous mettez en évidence - dans un prêche il faut toujours atteindre au sublime - que «la lapidation constitue une punition mais aussi une purification» en évoquant au passage le sida, nouveau fléau de Dieu.

Avant d'être envoyé sur le bûcher, qui sait? pour délit d'opinion, on peut au moins tirer quelques enseignements de ce prêche coranique digne de temps qu'on croyait révolus, du moins en Occident.

Première leçon: bafouer les valeurs de la société qui vous a accueilli, au nom de votre différence culturelle et religieuse, ça peut rapporter gros. L'auteur du prêche en question, Hani Ramadan, vient en tout cas de toucher le pactole: 1.2 million de francs, dont 345'000 francs d'indemnités, pour avoir été licencié de son poste d'enseignant. A tort selon certains exégètes du droit genevois.

Deuxième leçon: il y a à Genève des poids légers au sein de la magistrature. Président du Tribunal administratif et candidat au poste de procureur de la République et canton de Genève, François Paychère est l'un des cinq membres de la Commission de recours qui a refusé à l'époque le licenciement de Hani Ramadan. «Nous avons estimé que le licenciement était disproportionné», explique-t-il encore aujourd'hui, la main sur le cœur, étonné que cette prise de position puisse lui valoir quelques critiques. Ah bon? La lapidation défendue par Hani Ramadan ne serait-elle pas disproportionnée, à ses yeux, par rapport à l'attitude qu'elle prétend sanctionner? L'indemnité dont a bénéficié l'auteur du sermon sur le plaisir illégitime et le sida, à la suite de la décision malencontreuse de la commission de recours, ne dépasse-t-elle pas le simple bon sens? Si, par malheur, François Paychère accédait au poste de procureur, serait-il à même de faire appliquer les valeurs républicaines foulées au pied par Hani Ramadan?

Troisième leçon: la protection des employés de l'Etat va trop loin quand elle peut déboucher sur de tels scandales. On a déjà vu, à Genève, à quel point certains fonctionnaires, y compris de police, notamment dans l'affaire Monica Bonfanti, pouvaient narguer le gouvernement et l'opinion. Chaque travailleur a certes le droit d'être protégé contre les licenciements abusifs. Mais cela n'autorise personne à tenir sur la place publique des propos contraires aux droits fondamentaux de l'homme et de la femme. Dans cette affaire, c'est le Conseil d'Etat qui avait raison quand il a licencié Hani Ramadan. Sa décision n'était pas excessive, elle était juste. Il n'y avait rien d'autre à faire. C'est le droit genevois, ou plutôt ceux qui l'ont interprété de manière spécieuse pour refuser le licenciement, qui avaient tort. La loi a heureusement été clarifiée depuis et le triomphe d'Hani Ramadan ne serait plus possible aujourd'hui. Tant mieux. Mais le scandale demeure.

Quatrième leçon: le ministre genevois de la «justice», Laurent Moutinot, est éblouissant dans la gestion des dossiers comme dans le maniement des formules. Si le Conseil d'Etat a versé le montant maximal à Hani Ramadan, a-t-il tenté d'expliquer, c'est «pour garantir la paix des ménages». Celles et ceux qui ignoraient que le gouvernement se met en ménage chaque fois qu'il engage un collaborateur ou une collaboratrice, les voilà avertis. Mais qu'ils se rassurent. C'est déjà Laurent Moutinot qui aurait dû gérer, il y a quelques mois, les désordres de la police genevoise et qui n'en a jamais rien fait. Et c'est lui qui, tout récemment, a envoyé une lettre aux juges d'instruction pour leur suggérer de lever le pied. Motif: il n'y a plus de places dans les prisons. Alors, vous comprenez, mieux vaut laisser les délinquants dans la rue.

Olivier Feller
Député radical vaudois

Article publié dans Le Temps du jeudi 31 janvier 2008